L'Art d'Optimiser les Decks
Chapitre III : Optimisation sur les premiers tours
Chapitre III : Optimisation sur les premiers tours
1 - Le tour fondamental
Après avoir voulu optimiser notre main de départ, la suite logique serait maintenant de vouloir optimiser nos premiers tours de jeu. Et c'est par un travail d'optimisation de ce type qui devrait apparaître pour la première fois dans nos travaux optimisation la fameuse courbe de mana. Seulement une question reste en suspens : de combien de tours parlons nous exactement ? 3 tours ? 4 tours ? Plus encore ?
Le premier concept qui pourrait répondre à cette question est celui de tour fondamental introduit pour la première fois par Zvi Mowshowitz en 2000 dans son article : « Clear the land and Fundamental turn »". On peut le définir ainsi :
Tour fondamental : Le tour fondamental d'un deck est celui où l'on gagne de manière du moins théoriquement la partie.
Pour les decks aggros, cela correspond au tour où le deck a la plus forte probabilité d'être létal.
Pour les decks combos, cela correspond au tour où la combo a la plus forte probabilité d'être assemblée (ou au Big Turn pour Storm Combo).
Pour les decks control, cela correspond au tour où control a la plus forte probabilité de prendre un avantage décisif et souvent définitif sur son adversaire.
La notion de tour fondamental pour un deck control est la plus vague des trois. Cela peut correspondre au tour où une Wrath of God peut être lancé si le match est contre un deck aggro, ou encore au tour où un lock est mis en place. Bien qu'il s'agisse d'une notion théorique importante et intéressante, j'ai choisi de privilégier un autre concept que je trouve plus pertinent, celui de vitesse d'un format :
Vitesse d'un format : La vitesse d'un format est le tour où le deck aggro le plus rapide du format peut tuer en goldfish son adversaire avec la plus grande régularité.
La vitesse d'un format est une valeur avec une définition mathématique précise qui peut être calculée avec un travail d'optimisation. On peut en effet assez facilement simuler des parties de decks Aggro en goldfish et on peut alors classer les différents formats existants en fonction de leur vitesse :
Tour 3 : Legacy, Peasant
Tour 4 : Modern, Pauper
Tour 4/5 : Standard (Valeur approximative)
Tour 5/6 : Scellé, Draft (Valeur approximative)
2 - Optimisation des land drop et des tapland conditionnels sur les premiers tours de jeu
Dans cette section nous reprendrons en partie un article de 2017 du génial Franck Karsten : « How Many Lands Do You Need to Consistently Hit Your Land Drops ? », mais nous irons beaucoup plus loin. Dans cette partie, nous nous intéresserons aux land drops, c'est à dire à la faculté qu'à un deck de poser ses terrains à chaque tour. Évidemment, tous les decks n'ont pas le même objectif concernant les land drop et nous nous intéresserons ici à deux types d'objectifs :
Un objectif plutôt classique est d'avoir trois manas à dépenser lors du troisième tour, ou quatre manas à dépenser lors du quatrième tour. Il y a un type de terrain très populaire en peasant, en pauper mais aussi en cube qui permet d'augmenter la probabilité de remplir ces deux objectifs : les Bouncelands. Les bouncelands sont des terrains produisant deux manas, arrivant sur le champ de bataille engagés, et qui demandent de renvoyer un terrain que l'on contrôle dans notre main lorsqu'ils arrivent sur le champ de bataille. Ces terrains, en plus d'arriver sur le champ de bataille engagé, vont de paire avec un inconvénient majeur : c'est qu'à nombre de terrains constant, plus on a de bouncelands dans notre deck, plus on a de chance de faire une mana death. En effet, une main ne contenant que des terrains bouncelands ne permet de produire aucun mana et ces mains seront d'autant plus fréquentes que le nombre de bouncelands de notre deck sera élevé.
Un autre objectif intéressant que l'on peut se fixer est de maximiser le nombre de mana auquel on aura accès lors des premiers tours. On s'intéresse alors au mana cumulé et à un indicateur très important : le nombre de mana cumulé moyen. Cet indicateur est lié bien évidemment aux land drops, mais il permet surtout de mesurer l'impact des terrains arrivant engagés dans notre deck.
Un bounceland
Bien que souvent nécessaires pour stabiliser les couleurs de mana du deck, les terrains arrivant engagés ont aussi un impact négatif en terme de tempo. Le mana cumulé moyen est alors un parfait indicateur pour déterminer cet impact. Utilisons donc cet indicateur pour comparer l'efficacité de différents types de terrains : Fast land, Check land, Reveal land, Battle land et Biland.
Fast land
Check land
Reveal land
Battle land
Biland
Si on exclue les Biland qui sont sans défaut, on trouve que dans la majorité des cas de figure, les terrains qui permettent d'avoir le plus de mana cumulé aux tours 1, 2 et 3 sont les Fast Land (sans grande surprise) et ceux qui donnent le plus de manas cumulés aux tours 4 et 5 sont les Check Land. On retrouve à la traine les Battle Land qui sont dans la majorité des cas meilleurs que les Reveal Land. Pour ceux d'entre vous qui souhaitent rentrer un peu plus dans le détail des chiffres, le google doc suivant vous comblera j'en suis certain.
3 - Avoir sept manas au troisième tour
Les trois terrains d'Urza forment une base de mana qui doit être étudiée indépendamment des autres tant elle est particulière. Nous allons nous intéresser ici aux probabilités d'assembler ces trois terrains le plus rapidement possible et d'avoir sept manas au troisième tour.
Pour cela nous allons étudier l'impact de quelques cartes classiques de l'archétype, que ce soit en Modern ou en Pauper/Peasant, telles que Expedition Map, et qui permettent d'assembler le Tron plus rapidement. Aussi tous les calculs présentés ci-après concernent des decks de 60 cartes OTP.
Le premier graphique ci-contre illustre les différentes mains de départ d'un deck comportant 4 terrain d'Urza de chaque type et 4 Expedition Map.
Les quatre quadrants correspondent au nombre de terrains d'Urza différents que l'on peut avoir en main de départ.
La valeur p correspond dans chaque cas à la probabilité de pouvoir produire 7 manas au tour 3 en supposant que les 44 autres cartes n'aient aucun impact sur les cartes piochées lors des trois premiers tours.
Sans tenir compte des mulligans, si on joue un deck composé simplement des terrains d'Urza et d'aucune Expedition Map, la probabilité à partir d'une main quelconque d'avoir sept manas au troisième tour est de : 0,0957. Si l'on rajoute quatre Expedition Map au deck comme c'est le cas dans EldraTron en Modern, cette probabilité grimpe à 0,1828 avec notamment une probabilité de 0,1490 d'être assuré de pouvoir produire 7 manas au tour 3 simplement en regardant notre main de départ.
Le document ci-contre adapté aux decks Tron peasant et pauper permet d'obtenir la probabilité d'avoir une main de départ nous assurant d'avoir sept manas au troisième tour (sans tenir compte des éventuels mulligans). Ces formats ont la possibilité contrairement au Modern d'intégrer jusqu'à 4 exemplaires de Crop Rotation dans leur decks, ce qui leur permet d'atteindre une probabilité de 0,2429 en jouant 21 terrains. C'est d'ailleurs intéressant de comparer cette probabilité aux probabilités des decks Modern ou d'un deck avec le Tron seul.
Tron Peasant à 23 terrains : 0,2563 max (4 Expedition Map, 4 Crop Rotation, 4 Prophetic Prism)
Tron Peasant à 22 terrains : 0,2499 max (4 Expedition Map, 4 Crop Rotation, 4 Prophetic Prism)
Tron Peasant à 21 terrains : 0,2429 max (4 Expedition Map, 4 Crop Rotation, 4 Prophetic Prism)
Tron Modern : 0,1891 (4 Expedition Map, 4 Sylvan Scyring, 8 Chromatic)
Eldra Tron Modern : 0,1490 (4 Expedition Map)
Tron seul : 0,0471
Note : Cave of Temptation ou Painted Bluffs sont des exemples de Filter Land, quant aux Tapland, il est supposé dans les calculs ci-contre que ces terrains peuvent produire du mana vert.
En Modern il existe néanmoins une autre carte permettant d'assembler nos trois terrains d'Urza plus rapidement : Ancient Stirrings. Cette carte est totalement ignorée dans les probabilités ci-dessus et à raison car la présence d'Ancient Stirrings dans notre main de départ ne nous garantit pas qu'elle nous aidera à avoir nos 7 manas au tour 3. Le mieux pour évaluer l'impact d'Ancient Stirring est donc de simuler les trois premiers tours de jeu.
4 - Optimisation de la courbe de mana basée sur les premiers tours de jeu
Dans cette section nous allons optimiser notre deck en se fixant au préalable un certain nombre de tour. Idéalement ce nombre doit correspondre à la vitesse du format mais en réalité il peut être choisi arbitrairement par le joueur. Sur ces X premiers tours, le joueur commencera par poser un terrain s'il en a un, puis dépensera le maximum de mana en fonction des cartes qu'il a en main.
On va alors s'intéresser et chercher à maximiser deux quantités :
Le nombre moyen de mana dépensés lors des X premiers tours.
La probabilité d'avoir posé un terrain à chaque tour et dépensé l'intégralité du mana lors des X premier tours.
J'ai une préférence pour l'optimisation de la première quantité, mais je rajoute la seconde car elle a déjà fait l'objet d'une étude en 2014 par Franck Karsten dans son article « Finding the optimal aggro deck via computer simulation » en utilisant bien entendu à l'époque le Mulligan Vancouver.
Pour mes programmes d'optimisation, j'ai bien entendu utilisé le Mulligan London mais contrairement à Karsten qui optimisait simultanément la courbe de mana deck et la manière de mulligan, j'ai décidé de fixer une méthode de Mulligan :
Les mains à 7 cartes avec 2, 3 ou 4 terrains sont gardées, les autres sont remélangées.
Les mains à 6 cartes avec 2,3 ou 4 terrains sont gardées, les autres sont remélangées. Pour les mains à 4 terrains, un terrain est mis en dessous et pour les autres, la carte de plus haut CCM est mise en dessous.
Toutes les mains à 5 cartes sont gardées. Pour les mains à 4 ou 5 terrains, un terrain est mis en dessous et pour les autres, la carte de plus haut CCM est mise en dessous.
Le fait d'avoir fixé ce type de Mulligan m'a permis de faire un programme qui calcule des probabilité plutôt que d'effectuer des simulations. Outre cela je propose une variation du travail de Karsten. En effet l'optimisation que je vous présente dépend non seulement de la valeur de X mais aussi du nombre de terrains présent dans le deck (là où dans son article Karsten ne laissait pas de liberté sur le nombre de terrains).
Les trois tableaux ci-dessous correspondent aux courbes de mana optimales pour les types d'optimisations évoquées ci-dessus. Elles correspondent au cas d'un deck de 60 cartes pour les valeurs X = 3, 4 et 5. Les cases bleutées correspondent aux variables optimisées.
Moy. : Donne le nombre moyen de mana dépensé par le deck sur les X premiers tours.
Pourc. : Donne le pourcentage de mana dépensé par rapport au nombre de mana produit sur les X premiers tours.
Prob. : Donne la probabilité d'avoir posé un terrain à chaque tour et dépensé l'intégralité du mana lors des X premiers tours
Dans la conclusion de son article Karsten évoque le nombre ridiculement grand de terrain qu'il observe dans ses solutions. Cela peut en réalité s'expliquer très simplement. En effet, en optimisant une partie en se concentrant uniquement sur les X premiers tours, on exclue de fait de notre problème tout ce qui peut se passer après ces X tours. Et évidemment piocher trop de terrains en late est généralement un problème qu'ici nous avons totalement éludé. La réponse à ce problème, nous tenterons de l'apporter dans la prochaine partie.